“Concourir dans ma région natale m’a permis de me transcender”
Le Grand Prix de Bordeaux et vous, c’est une longue histoire…
Pierre Durand : J’ai effectivement participé dès la première édition, en 1973, avec le pur-sang Laudanum. Puis en tant qu’invité local, quand le concours est devenu national et international. C’est grâce à l’organisateur de l’événement, Emeric Coupérie, que j’ai pu bénéficier de ce tremplin. Vis-à-vis de lui, je me devais d’être à la hauteur.
Quels sont vos plus beaux souvenirs du Jumping ?
P.D : Le Grand prix de Bordeaux était pour moi un moment très attendu ! J’y ai participé dès 1973, année de la première édition régionale (c’était alors à la Foire Exposition, en extérieur) jusqu’en 1992 et ce, sans interruption… A l’exception de 1991, année du décès de Jappeloup. Je concourais devant ma famille, mes amis, un public acquis à ma cause. Concourir dans ma région natale m’a permis de me transcender. C’est grâce à mon parcours sur le Jumping que j’ai pu par la suite intégrer l’équipe de France. C’est resté un objectif sportif important dans ma saison.
Vous ne ressentiez pas de pression ?
P.D : Évidemment, on se sent attendu par les Bordelais. Quand la compétition se déroulait dans le Vieux Hall, je me souviens particulièrement du public qui frappait des pieds sur le sol pour nous accueillir. Puis, après ce fracas immense, dès notre entrée en piste, un silence de mort… J’en ai encore des frissons.
Jappeloup et vous formiez un couple mythique.
P.D : C’est exact. En 7 participations de Jappeloup, de 1983 à 1990, nous avons fait un sans-faute systématique lors de chaque manche, à l’exception de 1988. Jappeloup a été incroyable de régularité. Je me souviens particulièrement de 1985 où nous sommes arrivés troisième face au couple John Whitaker et Milton. Puis dans la foulée, je suis allé gagner à Londres… En 1986, j’avais donc envie de prendre ma revanche et je l’emporte.
Quels souvenirs gardez-vous de vos rivaux de l’époque ?
P.D : Il y avait l’Allemand Paul Shokemeleu. Hugo Simon l’Autrichien, David Broome et John Whitaker, les Britanniques. Avec ce dernier, la rivalité était très médiatisée mais elle restait respectueuse et a permis de créer une émulation incroyable. Elle m’a aidé à me hisser plus haut.
A mes débuts, quand j’ai commencé à concourir sur le circuit professionnel, j’ai été un peu pris de haut. Jappeloup et moi formions un couple atypique, un peu fantasque. Je n’étais « qu’un semi-professionnel » car j’exerçais mon métier de juriste en parallèle. De ce fait, je montais moins, j’avais moins de chevaux. Mais j’y ai trouvé une source de motivation pour prouver que j’avais bien ma place.
Quel genre de cheval était Jappeloup ?
P.D : Jappeloup était doté d’une explosivité naturelle, mais c’était un cheval qui, en apparence, ne semblait pas taillé pour le saut. Il était petit, issu d’un croisement hasardeux. Quand, en 1979, il m’a été présenté par son propriétaire, je n’ai pas flashé du tout ! Mais il a tellement insisté, qu’avec la complicité de mon père, ils ont fini par me convaincre de lui laisser sa chance.
Et peu de gens le savent, mais vous avez pu le voir sauter la première fois à l’occasion du Jumping
P.D : En effet, c’était en 1980. Jappeloup participait aux épreuves de jeunes chevaux à la Foire d’Exposition de Bordeaux. J’étais étudiant à la faculté et j’avais séché les cours pour aller le voir sauter, sans prévenir personne. Et bien que cela se soit mal passé sur la piste, ses qualités se sont révélées à moi.
Comment a évolué la notion de couple cavalier-cheval sur les compétitions de CSO ?
P.D : En dix ans de carrière, j’ai observé des changements, et participé à certains, je crois. À l’époque, ce sport était la simple addition d’un cavalier et d’un cheval. Il n’y avait pas de notion de couple. Avec Jappeloup, c’est notre état fusionnel qui nous a conduit à de telles performances. Notre relation était, quelque part, révolutionnaire. J’ai été jusqu’à dire qu’on était le prolongement de l’un et de l’autre car, à mes yeux, c’était la réalité.